Pardonnez-moi,
Seigneur, parce que j’ai péché ! J’ai succombé à Satan. Et pourtant, notre
Pasteur nous met en garde contre la chair ; il exhorte les adolescents que
nous sommes à résister à la tentation, nous averti des ruses qu’emploie le Malin
pour faire de nous ses proies. Bien sûr, à seize ans, je comprends ce dont il
s’agit, je l’expérimente chaque nuit dans mon lit. Mais je résiste au Démon, je
saisis mon rosaire et prie, prie encore jusqu’à que ce que le bras de Dieu
m’emporte vers le sommeil.
Le
vendredi soir, je raccompagne Ellen après le rendez-vous hebdomadaire du groupe
Jeunes et Évangélisme. Il y a Paul et
Luke, Jen et Mary, d’autres encore ; nous avons tous grandi dans le même
quartier, fréquenté la même paroisse. La soirée se déroule de façon immuable,
nous discutons sur un thème proposé par notre Pasteur ; les échanges sont
décontractés mais empreints de ferveur. Pour finir, nous formons un cercle et
prions. La Foi est le ciment de notre communauté.
La
route qui va du presbytère à la maison d’Ellen contourne le parc. La plupart du
temps, nous suivons la rue en devisant jusqu’à chez elle. Nous sommes
voisins, Ellen est pour moi une sœur dans l’Église même si nos parents ont
peut-être d’autres projets. L’été, lorsqu’il fait chaud et que la nuit est tardive,
nous empruntons le raccourci du parc.
Ce
soir de mai, le temps est lourd, le ciel assombri de nuages. Au cours de la
causerie du groupe, nous avons évoqué le pardon. Ellen me parle du futur
mariage de sa cousine. La main de Dieu est sur nous quand le tonnerre gronde
soudain. Une première goutte s’abat, suivie d’une ribambelle d’autres qui
martèlent le sol comme une mitraillette. La pénombre s’accentue et, en un
instant, nous sommes trempés et décidons de couper par le parc déserté. La
pluie ruisselle et nous nous réfugions sous le gazébo. Mes vêtements
dégouttent.
Quant
à Ellen, elle porte une robe légère mais floue que l’eau colle sur son corps.
Le tissu mouillé dessine le volume de ses hanches et de sa poitrine, je devine
presque la forme de ses tétons. Je jure que je n’ai rien prémédité, je n’ai pas
le temps d’attraper mon rosaire, Satan prend ma chair en une fraction de
seconde. Ellen frissonne, souriant de notre mésaventure en toute innocence.
Mais le Diable la saisit, me fait remonter sa robe jusqu’à son visage. Sa
culotte trempée, devenue transparente, laisse voir ce qui doit rester caché.
Satan s’est déjà emparé de mon entre-jambe et je me couche sur elle, presque
malgré moi. Cependant, une partie de mon être ne vous a pas oublié, mon Dieu.
Et à chaque coup que donnent mes reins, je récite la litanie de la rédemption :
« Pardonnez-moi, Seigneur ! Pardonnez-moi, Seigneur !
Pardonnez-moi… » Mais j’ignore si mes prières peuvent triompher du bruit de
la pluie tambourinant sur le toit du kiosque.
Ellen
ne se débat pas longtemps mais ce n’est qu’ensuite que je m’en avise. Le tissu
trempé rabattu sur son visage lui a rendu la respiration difficile, puis
impossible. Je m’enfuis en reboutonnant tant bien que mal mon pantalon – je n’ai
pas cessé de réciter mon invocation à un Dieu miséricordieux. Je cours, la
pluie s’emmêle à mes cheveux et mes lèvres prient. Pardonnez-moi, Seigneur, vous
qui avez créé cette délicieuse tentation.